Entre maîtrise et équilibre
Quand on parle de prises de vue par drone, on imagine souvent l’appareil qui s’élève, prend de la hauteur, et dévoile un paysage spectaculaire.
Mais lorsqu’il s’agit de filmer un yacht en mouvement, tout change. La logique s’inverse. Ce n’est plus une histoire d’altitude, mais de proximité, de précision, de coordination presque chorégraphique. C’est une affaire de distance minimale, et de risques assumés.
J’ai eu l’occasion de le vérifier récemment, lors d’une mission pour le yacht Elliott, dans les eaux entre Roquebrune-Cap-Martin et Monaco.
Un décor parfait, une mer presque d’huile, un ciel cristallin. Le genre de conditions qui donnent envie de se laisser aller à la facilité du plan large, celui que l’on filme depuis le ciel, avec le bateau posé au milieu comme un jouet de luxe.
Mais très vite, ces images perdent leur force.
Aussi somptueux soit le yacht, aussi vaste soit le panorama, si le bateau n’est qu’un point au milieu de l’image, alors tout devient flou, au sens figuré. Le regard se disperse, l’émotion s’efface, et l’intérêt tombe. On obtient une belle ouverture, un plan d’introduction, peut-être… mais sûrement pas une séquence qui porte un film.
S’approcher, ou s’effacer
Très vite, donc, il faut changer de stratégie.
Se rapprocher.
S’immerger dans la scène.
Se confronter à la réalité technique d’un vol au ras de l’eau, avec un sujet mobile, rapide, instable.
Et là, tout entre en jeu : la vitesse du yacht, celle du drone, la trajectoire du soleil, les reflets sur la mer, l’arrière-plan, l’horizon, le vent… Le moindre paramètre peut modifier la lisibilité d’un plan, ou transformer une prise risquée en incident.
Dans ces conditions, une excellente assurance devient plus qu’une formalité administrative.
Ce n’est plus le prix du drone qu’on redoute, mais ce qui pourrait se produire en cas de perte de contrôle.
Quand un bateau de plusieurs tonnes fend l’eau à 25 nœuds, il vaut mieux savoir précisément ce qu’on fait.
Anticiper chaque mouvement
Ce qui m’a toujours semblé le plus complexe dans ce genre de captation, ce n’est pas tant la prise de vue elle-même, que sa préparation.
Avant chaque mission, je prends un crayon, une feuille, et je dessine.
Le cap du bateau, la trajectoire du drone, les angles visés, les vitesses, les enchaînements. Ce storyboard de fortune est ma boussole.
Il ne remplace pas les réglages, ni les automatismes de vol, mais il cadre l’intention.
Et quand on travaille avec un équipage international, souvent en anglais, ce sont les dessins qui parlent le plus clairement.
Ce temps de préparation est vital.
Car une fois en vol, tout va très vite, et il faut que chaque geste, chaque cadrage, chaque croisement soit déjà inscrit quelque part — dans la tête, sur le papier, dans le rythme.
Le piège du point fixe
Il y a aussi une autre contrainte, bien plus sournoise : celle du retour.
Les drones sont conçus pour revenir à leur point de décollage.
Mais quand ce point — le pont du yacht — s’est déplacé de plusieurs centaines de mètres pendant la captation, cela peu devenir piège.
Les batteries s’épuisent vite à 70 km/h
Et le drone, s’il n’est pas surveillé avec attention, risque de vouloir rentrer à un endroit où le bateau n’est plus.
L’épreuve de l’atterrissage
Et puis il y a cette phase qui donne sa dose d’adrénaline : l’atterrissage.
Faire décoller un drone depuis un bateau, ce n’est pas simple. Mais le faire revenir… c’est tout un art.
Le drone cherche l’équilibre. Le bateau tangue.
Les capteurs s’affolent.
Et le photographe, lui, espère que le vent reste constant une minute de plus.
J’ai déjà perdu un drone avec un bateau en mouvement … A 5 noeuds un Yacht peut facilement sembler à l’arrêt…
Depuis, je redouble de précautions. Parfois, je choisis de rester à terre, depuis le littoral.
Cela demande un briefing encore plus rigoureux avec l’équipage, mais au moins, la sécurité est garantie si les conditions météo ne sont pas satisfaisantes.
💡 En résumé : voler, créer… et ramener le drone à la maison
Photographier un yacht en mouvement par drone, c’est un mélange de maîtrise technique et de coordination stricte.
L’expérience prime.
On planifie, on briefe, on sécurise, on anticipe… mais il reste toujours une part de vivant, de fragile, de mouvant.
Ce que je garde en tête à chaque mission, c’est ceci :
L’objectif, ce n’est pas seulement de faire de belles images.
C’est la sécurité du bateau et au second plan … Ramener le drone à la maison.
Le seul souvenir que le Brooker doit garder c’est ce que l’on lui livre :
🎥 des images 4K à couper le souffle, captées dans les règles de l’art.